• Cette quinzaine Catiechris à la barre de la coquille des croqueurs de mots la communauté de Pascale, nous a demandé d'écrire une lettre d'amour :


    Guide pratique de la lettre d'amour
     
      Première partie : les mots de la colère

      Deuxième partie : les mots de tristesse ou de peine 

      Troisième partie : les mots d'inquiétude ou d'angoisse

      Quatrième partie : les mots du regret
      
      Cinquième partie : les mots d'amour

    Toute forme d'écriture acceptée,
    soyez inventifs, amusants, critiques, caustiques, sensibles...
    Plongez profond pour mieux vous retrouver

    En cette occasion, je fais remonter cette suite de lettres déjà commencée, et je la termine ..

     

    Belle damoiselle,

    Jamais ne faillit mon courage au service de mon suzerain, votre oncle, et le ciel et tous ses saints me sont témoins qu’aucun ennemi ne fit reculer mon épée au pied des remparts des citadelles hautaines, sous le feu et le fer.

    Les champs de lice m’ont vu porter haut les couleurs de mon fief et de mon noble père, sans que la lance acérée et l’armure adversaire ne me fasse trembler.

    Mon cœur a su rester ferme, audacieux, et nul ne peut se vanter de m’avoir vu vaciller, pourtant ce même cœur à présent défaille et s’avoue vaincu par ce qui paraissait si tendre et qui est si cruel.

    Recevant cet honneur envié d’être convié à la cour du roi votre oncle, j’ignorais que ce privilège dont j’étais fier, et ce jour qui devait être celui de ma gloire, allait être celui de ma perte, celui où j’allais apprendre la souffrance la plus extrême et la plus douce.

    Dès que je vous fus présenté, j’ai su que j’étais perdu.

    Un seul regard de vos yeux semblables aux étoiles qui brillent dans les pays d’orient suffit à plonger mon âme dans le plus profond des tourments. Votre sourire si doux, et la main semblable à une aile de colombe que vous me fîtes la grâce de me laisser effleurer, ont fait de moi l’être le plus faible qui se puisse imaginer.

    Las, vous n’avez daigné m’adresser la moindre parole, ni le moindre geste qui m’eut donné quelque espoir, et si monseigneur votre père, et le roi votre oncle me faisaient bon accueil, tout autant auraient-ils pu me jeter au plus profond de la basse-fosse, quand vous ne m’accordiez pas la faveur de votre voix mélodieuse.

    Prisonnier à présent je suis, en ma propre demeure, en mon château retiré où plus personne ne saurait m’atteindre, souffrant et chérissant ma souffrance.

    J’ose pourtant vous adresser cette missive, pour que vous sachiez le mal que vous m’avez fait, et que vous puissiez en rire, ou peut-être, espérance d’un fou, me redonner la vie.

     

    Mon doux sire,

    Depuis ce funeste jour à la cour du roi mon oncle, où je vous vis devant moi, auréolé des victoires et des honneurs que de haute lutte vous avez conquis, altier et pourtant généreux, je sens ma vie qui s’échappe, jour après jour, goutte après goutte, dans l’attente que vous avez fait naître en moi.

    A peine aviez vous posé les yeux sur ma personne que mon esprit ne m’appartenait plus, et que tremblante devant vous, je n’osais même vous regarder de peur de trahir une fureur si soudaine qu’elle ne pouvait que vous apparaître comme bien hardie et indigne de ma famille.

    Je me navre en attendant un signe de vous.

    Mes lèvres ne savent plus chanter, mes mains ne savent plus tisser, et l’ouvrage patiemment commencé se dessèche en son cadre.
    Nul ne peut savoir en ma demeure ce que j’endure et malgré la douce présence de ma mère, je ne puis me résoudre à avouer ce que furent ces semaines de solitude et de chagrin.

    Y aurait-il encore un espoir sur cette terre ?
    Votre lettre l’a fait renaître, alors que je n’espérais plus rien, et si vos mots ne sont pas ceux du mensonge, alors recevez mon amour comme j’attends le vôtre.

    Mon cœur vous appartient.

     

    Ma damoiselle, ma dame d’amour, ma mie,

    Votre missive m’a atteint en plein cœur, dans cette geôle qu’était devenue ma demeure, mon château, ranimant mon ardeur, mon courage, ma vie même.

    Je n’osais penser qu’un tel bonheur fut encore possible pour moi, malheureux, indigne d’un seul de vos sourires et voilà que vous faites naître en moi un espoir qui me submerge et manque d’emporter ma raison.

    Quoi, vous avez craint de m’apparaître trop hardie, quand votre front restait lisse et blanc tel un diamant de l’eau la plus pure.

    Que n’ai-je su alors le tourment qui vous assaillait, faisant réponse au mien, et quelle n’aurait pas été ma joie de m’agenouiller devant vous pour vous avouer ma propre folie, ma douleur naissante et vous offrir mon cœur afin que vous puissiez en disposer à votre gré.

    En lisant ces mots écrits de votre main, je vous imagine saisissant la plume, laissant couler l’encre sur le parchemin pour tracer les paroles qui font de moi un homme nouveau. Votre amour a fait disparaître celui que j’étais, et trempé aux flammes de vos aveux si doux, j’émerge pour vous, vêtu de l’armure du métal le plus pur, armé de l’épée la plus droite, afin que vous disposiez de ce bras, de ce cœur, de cette vie, qui désormais sont vôtres, pour vous servir, ma mie, vous chérir et vous protéger.

    Mon amour pour vous m’est bien plus précieux que ma vie.

     

     

    Gentil seigneur, mon tendre chevalier,

    Ces mots que je lis, ces paroles d’amour qui pénètrent mon âme plus profondément que ne pourrait le faire l’acier le plus dur dans ma chair, et qui auraient dû combler mon être de joie, me font répandre un torrent de larmes, qui se mêlent à l’encre que vous avez tracée pour moi.

    Vous m’aimiez et je l’ignorais.

    Vous aviez daigné voir la femme bien imparfaite que je suis, bien peu digne de votre attention, et je n’ai pas compris ce regard.

    Enfermée dans mon chagrin je n’ai su comprendre ce que vous attendiez de moi, et les jours ont fui, stériles et vides.

    Ce chagrin à présent n’a plus de limites, car mon père, ignorant tout de cet attachement naissant, m’a promise en noces au sire Maudred.

    Mon père est un cœur noble, et il ne vous est point hostile, mais il ne peut plus défaire ce qui a été fait et promis devant le roi son frère, et devant Dieu.

    Je me dois de lui obéir, pourtant je ne puis me résoudre à une telle union, qui me condamnerait à une vie de tourments sans limites et entrerai comme novice au couvent royal afin de laver ce déshonneur que ma folie a créée. Là, je prierai pour le salut de mon âme, sans cesser de penser à vous, qui avez été la lumière de ma vie.

    Soyez heureux, gardez dans votre mémoire une infime place pour celle qui vous a aimé plus qu’elle ne sait le dire.

     

    Ma douce, ma tendre,

    La révélation de votre amour aurait dû être le seul jour de ma vie méritant le nom d’existence, et pourtant ce jour a été aussi celui de ma mort au monde.

    Voilà qu’un sort funeste me devance, moi qui me préparait à demander humblement votre main à votre père, et vous arrache à moi.

    Vous êtes déjà promise.

    Cette révélation en a terminé avec ma vie, je ne suis plus désormais qu’une ombre sur cette terre.

    Dans mon égarement j’ai voulu défier messire Maudred dans la lice royale, pour vous reprendre, ou à tout le moins perdre cette vie qui ne m’est plus rien, mais mon suzerain le roi, dans sa grande sagesse, a interdit cette joute funeste.

    Il ne me reste plus qu’à partir en des terres lointaines, combattre pour la gloire de mon royaume, en laissant passer les jours comme autant de fardeaux. L’écharpe d’étoffe aérienne que vous aviez perdue en ce jour illuminé de notre rencontre, ne me quitte pas, et je continuerai de la porter contre mon cœur tant que celui-ci continuera de battre, pour mon plus grand malheur.

    Je vous conjure de renoncer à ce triste projet, vivez heureuse et sans regrets, ayez une famille, elle vous chérira bien mieux que je n’aurais su le faire.

     

    – Messire chirurgien, dites-moi, va t-il mourir ? et ne me ménagez point.

    – Je l’ignore Madame, le chevalier est fort, mais on dirait que sa volonté l’entraîne plus vers le royaume des ombres, que vers celui des vivants.

    Quand il est entré en lice, portant fièrement la lance et le bouclier, un frisson parcourut la foule, jamais plus noble combattant ne fut aperçu en tournoi. Jamais humain ne vit chevalier méprisant tant la mort s’incliner devant le roi, avant d’abaisser la lance et de pousser son

    Destrier, galopant au-devant de l’adversaire, poitrine offerte, malgré l’armure.

    Les autres jouteurs ne pouvaient l’atteindre, il en défit un, puis deux, puis trois, d’autres ont suivi dans la défaite, et rien ne semblait pouvoir l’atteindre. Rien, jusqu’à…

    – Parlez, messire chirurgien, je dois savoir.

    – Jusqu’à l’entrée de sire Maudred.

    – Aurait-il abaissé sa lance ? Malheureuse que je suis, cause de sa mort !

    – Nullement Madame, il a jouté vaillamment, mais au troisième engagement, il a semblé avancer plus hardiment que jamais, sans tenir sa garde.

    La pointe de la lance a pénétré l’armure, et la poitrine, et le chevalier serait déjà mort si inexplicablement cette étoffe qu’il portait à même la peau n’avait dévié le fer. Tenez, la voici, rougie de son sang, et déchirée.

    Mais vous pleurez !

    – Mon amour, vivez, vivez pour moi, Maudred dans sa grande bonté a rendu sa parole à mon père, et le roi nous bénit.

    Chirurgien, va t-il vivre ?

    – Je le crois Madame, le sang ne coule plus et le souffle se fait plus fort.

     

     

    Ainsi se fini cette geste de la cour d’amour, laissons les deux amants enfin réunis vivre une destinée de tous temps écrite, et vous qui lisez, n’oubliez qu’amour vrai est don précieux.

     

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    (tableau de Edmund Blair Leighton)

     

     

     



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  • Ce vendredi, sur une photo de Alice et pour sa communauté "le coucou du haïku"  créée avec Mamylilou  le thème est : le bonhomme hiver

     

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    Un cracheur de feu

    Un bonhomme en carton pâte

    La fin de l'hiver !

     

    Le public est là

    Un incendie pour de faux

    Le printemps commence !

     

    Quels poumons il a !

    Une flamme jailli bien fort

    Vers le clown couleurs

     


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  • Cette quinzaine, pour la communauté de Pascale les croqueurs de mots  c'est Catiechris qui est à la barre de la coquille, notre vaisseau préféré et qui nous a demandé de parler étoiles et astres  ...

     

    Odilon-Jean PÉRIER   (1901-1928)

    Ton visage est le mot de la nuit étoilée

    Ton visage est le mot de la nuit étoilée
    Un ciel obscur s'ouvre lentement dans tes bras
    Où le plaisir plus vain que la flamme argentée
    Comme un astre brisé brille et tremble tout bas

    Vivante, conduis-moi dans ce nocturne empire
    Dont l'horizon mobile enferme notre amour.
    Je touche un paysage ; il s'éclaire, il respire
    Et prend quelque couleur sans attendre le jour.

    Que de choses j'apprends au défaut de tes larmes
    Sur le point de me perdre où tu m'as précédé,
    Mais enfin je renonce à détourner tes armes.
    Je reconnais un corps que je dois te céder.

    Perdons-nous ! Parcourons cette courbe profonde
    Que tes genoux légers ne me délivrent pas.
    Que je sois seul au monde
    Au moment de tes larmes.

    Que la paix de l'amour commence sous nos pas.

     

     

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    (tableau de sir E. Burne Jones : evening star )

     


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  • Sur une photo de Mamylilou , et pour sa communauté créée avec Alice : le coucou du haïku

     

    Le Cygne

     

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    Devenu oiseau,

    Dieu je fus, mortel de plumes

    Léda mon amour.

     

    Un reflet sur l'eau

    Amoureux d'une image

    Le cygne s'eloigne

     

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    Plumes blanches peau blanches

    Bel oiseau qui glisse sur l'eau

    Es tu jeune femme ?

     

    (tableau de Walter Crane)


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  • Cette quinzaine, LILIE NORLANE nous a demandé des poèmes d'hommes qui parlent de femmes (ou de femmes qui parlent d'hommes)pour la communauté des croqueurs de mots

     

    Ce très beau poème d'amour d'Albert Samain me touche beaucoup

     

    Je n'ai songé qu'à toi ...

     

    Je n’ai songé qu’à toi, ma Belle, l’autre soir.
    Quelque chose flottait de tendre dans l’air noir,
    Qui faisait vaguement fondre l’âme trop pleine.
    Je marchais, on eût dit, baigné dans ton haleine.
    Les souffles qui passaient semblaient rouler dans l’air
    Un souvenir obscur et tiède de ta chair.
    J’aurais voulu t’avoir près de moi, caressante,
    Appuyée à mon bras dans ta grâce enlaçante,
    Et lente et paresseuse, et retardant le pas
    Pour me baiser sans bruit comme on parle tout bas.
    L’amour vibrait en moi comme un clavier qu’on frôle
    Ô câline d’amour bercée à mon épaule !
    Et je t’évoquais toute avec ton grand manteau,
    Et la touffe de fleurs tremblante à ton chapeau,
    Et tes souliers vernis luisant dans la nuit sombre,
    Et ton ombre au pavé fiancée à mon ombre.
    Il est ainsi des soirs faits de douceur qui flotte,
    De beaux soirs féminins où le coeur se dorlote,
    Et qui font tressaillir l’âme indiciblement
    Sous un baiser qui s’ouvre au fond du firmament.

    Tes yeux me souriaient... et je marchais heureux
    Sous le ciel constellé, nocturne et vaporeux,
    Pendant que s’entr’ouvrait, blancheur vibrante et pure,
    Mon âme - comme un lys ! - passée à ta ceinture.

     

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    (tableau par James Tissot )


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