• Pour le jeudi en poésie des croqueurs de mots   la communauté de Pascale, j'ai proposé le thème : légendes sur terre.

     

    Je vous propose deux extraits d'un texte, une sorte d'écrit onirique sur le thème de l'amour et la folie, commencé il y a longtemps, et que je poursuivrai sans doute ...

     

    (le début ici LINK )

     

    La folie et le cavalier mirent pied à terre, et au côtés de leur coursier, vinrent se désaltérer dans l’eau limpide de la source. Elle coula sur leurs doigts en ondes cristallines, les lavant des derniers souvenirs de ce qui avait été leur passé. Leurs âmes ainsi purifiées, ils se regardèrent comme s’ils ne s’étaient jamais vus, alors qu’au fond de leurs cœurs ils savaient s’être toujours connus. Leurs baisers eurent un goût de renouveau, leurs corps se savaient l’un à l’autre, de toute éternité. Sans passé, sans avenir, rien que le présent, immuable, et délivré des entraves du souvenir, leur étreinte fut celle du  premier jour du monde, et leur repos celui de l’innocence.

    La folie s’éveilla d’un sommeil sans rêves, sans rêves ? Il lui semblait avoir vécu tout autre chose dans ce rêve, quelque chose qui lui échappait sans cesse, et dont elle aurait dû se souvenir. Près d’elle, le cavalier dans la splendeur de sa nudité, gardait les yeux clos, tout entier à ses songes. En souriant, elle laissa glisser le bout de ses doigts le long de l’épaule puissante et satinée, blanche comme le lait sous la lune de métal.

    Un bruit lui fit lever la tête. Le destrier, débarrassé de ses liens, et de son harnachement, courait librement le long de l’eau, soulevant sous ses sabots une écume légère.

    La folie se leva en silence, et s’approcha de la sinuosité de la mer, posant une main fine sur l’encolure de la bête. Elle resta ainsi un long moment, les orteils plongés dans le sable, les chevilles caressées par le flot transparent, regardant l’horizon vide et paisible.

    Une bribe de vision traversa son esprit, fugitive et sans réelle consistance, un visage qu’elle crut reconnaître. Comment l’aurait-elle pu ? Il n’y avait qu’eux deux,  le coursier et la plage. Elle secoua la tête, troublée un instant, puis le visage s’évanouit, et calme à nouveau, elle retourna auprès de son compagnon.

     

    Hauteclaire

     

     

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    Tableau de sir F. Dicksee


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    Derrière la folie, la brèche se referma dans un bruit infime, enfermant la monture et sa cavalière dans cet univers doré, où régnait le silence. Aussi loin que portaient ses yeux, il n'y avait que végétal et paix.

    La folie avançait telle une reine en son royaume, son regard brillait, ses cheveux jetaient de l’or sous le soleil. De petites créatures s’avançaient sur son chemin, la regardant, étonnées et admiratives, subjuguées par tant de noblesse, puis retournaient dans l’ombre de la végétation luxuriante. Le cheval blanc l’emportait de son pas altier, traversant prairies et jardins embaumés, loin, toujours plus loin. Un fleuve coulait, emportant des fleurs dans son flot impétueux. D’un bond prodigieux, la monture de la folie le franchit, atteignant une rive étonnante, où le temps semblait s’être arrêté. Plus rien ne bougeait, la folie pensa plonger dans un rêve, où la vie serait immuable. Et là, près du sentier, elle reconnut l’empreinte du pas léger de l’amour.
    Qui était-elle? Une présence prit forme, ses contours se dessinant lentement sous les yeux de la folie. Un instant elle crut perdre la raison, le créature devant elle avait ses traits, sa silhouette et le regard qu'elle lui renvoyait était le sien. Les deux folies se contemplèrent un instant, puis l'apparition se retourna, et d'un pas sûr, alla vers le fond de la vallée, là où un mur de granit s'élevait, la fermant au monde. Une cascade descendait du sommet, mince pinceau d'argent, aussi lisse qu'un miroir. La folie se sentit contrainte de suivre son double, malgré la révolte qui bouillonnait en elle.
    Bientôt, elles furent au pied de la cascade, qui coulait sans courant, immobile, figée et magnifique. Le double, d'un geste, lui interdisait d’y pénétrer.
    La folie se redressa d'un bond, et lui fit face, prête à se battre, quel qu'en soit le prix, pour franchir la cascade.

     

     

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    ( toile de Hume Nisbet )

     

     

    Voir aussi mon nouveau blog : http://amoureuxmots.eklablog.com


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    La folie ne la voit pas, elle ignore tout du danger qui la guette, et elle désespère.
    L'amour a disparu, happée par le marais, évanouie dans quelque royaume mystérieux et caché. La folie se laisse tomber à genoux, harassée, la tête baissée. Un contact de velours ramène la vie en elle. Le blanc palefroi effleure de ses naseaux tendres son front moite.
    La folie relève la tête, les yeux emplis d'un espoir insondable Elle fixe l'animal dont la longue crinière caresse ses joues.
    Elle s'appuya contre le flanc soyeux, entourant de ses bras minces et blancs l'encolure forte et suave, noyant son visage dans la crinière épaisse, qui se mêla de cheveux roux. Le destrier regarda vers la forêt profonde, et elle sentit le flanc vibrer contre elle. Il ne protesta pas quand d'un seul bond elle s'enleva, pour reposer son corps las et inquiet sur le dos immaculé. Il prit son élan, doucement d'abord, puis de plus en plus vite, entre les arbres noyés de brume, l'emportant là où il allait.
    Le soleil finissait sa course, disparaissant au delà de l'horizon, illuminant la montagne de ses derniers rayons d'or en fusion. Le vent la faisait frissonner, apportant un parfum délicat d'herbe et de fleurs sauvages. Sa monture s'ébroua et reprit sa marche, posant délicatement ses sabots brillants sur la végétation luxuriante. La folie sentit la présence de l'amour, toute proche. Pourrait-elle la reprendre? Contre sa jambe, le flanc puissant ondulait au rythme du galop qui l'emportait vers le sommet de la montagne, là où la lumière paraissait autre.
    La folie se sentit saisie d'un sentiment de peur, mêlé de respect devant la grandeur de ce qui s'offrait à ses yeux. Derrière la brèche ouverte comme une plaie dans la montagne, une douce vallée s'étendait. Le vent léger lui apportait les senteurs douces des fleurs innombrables qui recouvraient le sol tel un tapis de roi. La lumière, baignée d'or, emplissait ses yeux, lui faisant perdre la mémoire de ce qu'elle venait de quitter. Au loin, un lac miroitait, ses eaux cristallines reflétant un ciel limpide. Le cheval parut attendre un instant qu'elle prenne sa décision. Si elle s'engageait, il n'y aurait plus de retour possible.
    Il reprit sa marche, avançant en silence, ses sabots devenus souffle.
    La folie se taisait, se retenait d'appeler. Allait elle retrouver l'amour en ce lieu?

     

    (tableau de Hon John Collier )


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    Le vent léger ride à peine l'eau de la rivière, tout est redevenu calme, sans un souffle, pesant et menaçant. L'ombre derrière le rocher grandit, s'épaissit, se redresse. Avec avidité elle observe les amants guettant le moment propice où elle pourra bondir.
    Eux sont encore inconscient de cet ennemi qui s'approche sans bruit, tout à leur amour, ne savent pas qu'ils sont les proies désignées de cette ombre enragée.
    La jalousie.
     La folie s'est levée. Elle erre, pieds nus, les cheveux défaits, l'esprit accablé, incapable d'une pensée cohérente. Seule l'image de l'amour perdu l'obsède, et ses mains tremblantes cherche un vêtement pour sortir, sortir dans la nuit froide et claire et chercher.
    Chercher jusqu'à ce que ses forces l'abandonnent, ou que sa raison ne la fuit, ne laissant que son enveloppe de chair immortelle.
    Ses pas égarés la mène devant le creux de rocher. La fontaine coule sans bruit, trait d'argent dans la verdure, et là, tout près, un corps allongé, reposant calmement capte son regard. Le double de sa compagne n'est pas sorti de son sommeil à la fuite de l'amour.
    La folie est lasse, épuisée d’avoir tant couru et pleuré.
    Le soleil se lève lentement sur le marais, noyé de la brume qui monte en vapeur du sol détrempé. Pour un bref instant, les arbres, l’eau, tout paraît bleu, et dans cette douce couleur, un éclair blanc est apparu le temps d’un soupir. La folie a cru voir un destrier, et abandonnant l’amant à sa couche végétale, elle à suivi l’animal, espérant qu’il la mènerait à l’amour perdu. Elle s’engage sous la frondaison, et là, un monde étrange s’offre à elle. Tout y est silence, le soleil ne le perce qu’à peine et ses chemins sont tortueux. Elle marche, droit devant elle, espérant retrouver sa compagne, sous les yeux de ceux qui sont cachés, et qui l’observent avec avidité.
    L'envie la regardait, dissimulée derrière les troncs humides, dégoulinants de la chair végétale décomposée, elle fixait la folie de son regard âpre. Qu'allait elle pouvoir lui arracher, et comment lui instiller son poison?

     

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    (tableau par sir Lawrence Alma Tadema


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    Chante, poétesse, le voyage étrange des deux sœurs, des deux amantes, l’amour et la folie. Voyage qui les mena aux quatre coins des terres et des mers infinies, et qui tant noua la trame de leurs destins, que les mortels l’évoquent encore.
    Chantez, poétesses, la légende que la divinité vous murmura en songe, afin que nul n’oublie le destin terrible et merveilleux.

    L'amour a deux visages, celui de la femme qui s'éloigne sous la lumière de l'astre nocturne, toute douceur et tendresse.
    Il a aussi celui de l'amant, impétueux et caressant, sauvage et tendre. Celui- ci règne au cœur de la nuit, profonde et noire, veloutée et chaude.
    Une sensation froide dans le cœur de l’amour, pendant que sa main glisse sur la surface d’une eau d’argent sans la rider. Son reflet est celui d'une déesse, pourtant au fond d'elle même, c'est une mortelle qu'elle reconnaît et la peur l'étreint de ses doigts de glace.
    La peur l'étreint de ses doigts de glace, car elle sent la passion monter dans son esprit, celle qui regarde le monde de ses yeux verts et le transperce de ses traits d'acier. Elle attend.
    Dans l'eau, son reflet n'est plus seul. A côté de son visage, un autre est apparu. Celui de son double au cheveux noirs, l'amant au cœur de feu. Et le rocher creux abrite une étreinte éternelle, au bord de l'eau miroitante.
    Qui est elle? Que lui veut-il?
    La passion a étendu son ombre sur les deux amants. L’amour a oublié sa sagesse, sa douceur, en se blessant à la pointe de sa propre flèche. L'arme a laissé un trait rouge sur son sein, pointé vers son cœur. .
    Il embrasse à pleine bouche la blessure, goûtant le précieux liquide qui colore ses lèvres
    d'une tache sombre.
    Il veut la possession. Nul autre ne connaîtra plus l'amour tant qu'il la retient prisonnière de ses bras.
    La lune pleine inonde de ses rayons d'argent l'eau de la source. Le creux d’une roche, devenu champ de l'ultime bataille, abrite et dissimule les combattants, de ses pierres aiguës et brillantes. Pour tout cris de guerre, un soupir monta vers l'astre miroitant, qui l'accueillit en son sein, cadeau infiniment précieux. La folie ne gagna pas cette fois, pas plus que l'amour. Seule la passion demeura victorieuse.

     

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    (tableau de sir Edward John Poynter)


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