• Cette quinzaine, pour le défi N° 32 des croqueurs de mots, la communauté de Pascale,

    Nounedeb, la capitaine en poste a choisi de nous transformer en reporters, et d'imaginer une plage, des grands-parents, la mer ...

     

    Ce récit que je propose a une fin alternative, à vous de me dire laquelle vous préférez .. 

     

     

    La maison du bout du monde

     

    Mon journal m’avait envoyé dans cette petite ville de bord de Manche pour faire un reportage sur la fête de la mer. Je ne suis qu’un modeste journaliste et ce qui m’est confié est tout aussi modeste, néanmoins la perspective d’une journée au bord de l’eau m’avait fait plaisir.
    Arrivé sur place, j’avais trouvé l’ambiance agréable et gaie. Il y avait foule sur le port, comme sur la plage, pour voir les bateaux de près avant leur sortie en mer, ou bien regarder le défilé à quelque distance de la plage, suivi de la cérémonie religieuse.
    Une foule bigarrée et joyeuse, paisible, où se mêlaient les rires des adultes et les cris des enfants, déambulait. Beaucoup de grands-parents aussi, et j’en profitais pour poser des questions aux plus âgés sur les traditions entourant cette fête.
    J’ai attendu sur la plage, tout au bord de l’eau où une minuscule vaguelette s’ourlait, tant la mer était calme et bleue ce jour là. Les bateaux de pêche sont sortis en file, décorés comme je l’avais vu dans le port, de fleurs multicolores, faites de papier crépon, monté sur du fil de fer, tâche exécutée par les épouses des marins. Ils ont paradés le long de la plage, accompagnés par quelques plaisanciers, en faisant résonner leurs cornes. Puis le silence s’est fait, et les navires se sont rassemblés en un cercle grossier, entourant celui où le prêtre de la paroisse était embarqué, pour un court office et une prière. Silence aussi sur la plage, pendant ce moment solennel, bien qu’il soit impossible d’entendre les paroles de l’officiant. Seul résonnait discrètement le bruit de mon appareil photo, muni de son téléobjectif.
    Une gerbe de fleurs fut lancée à l’eau et toute la flottille reprit le chemin du port.
    Encore quelques clichés là-bas, montrant les marins distribuant les fleurs aux promeneurs, et mon reportage était bouclé.
    Il était encore tôt dans l’après-midi, mon train n’était prévu que pour nettement plus tard, j’avais quelques heures à tuer. Pris d’une sorte de mélancolie, en me retrouvant seul après cette agitation colorée, j’ai décidé d’aller marcher un moment, plutôt que de rester dans un café à ruminer sur l’appartement vide qui m’attendait au retour.
    Mes pas m’ont tout naturellement conduit sur la falaise, et après avoir gravi avec lenteur un chemin escarpé, je me suis retrouvé tout en haut, à respirer un air venu tout droit du large, sentant seulement le sel et l’iode, en regardant une mer bleu profond à perte de vue.
    Revivifié, j’ai marché un moment tout droit devant moi, et c’est un peu plus loin que je l’ai vue. Une maison ancienne, dans le plus pur style normand, avec un toit de chaume, presque au bord de la falaise, et assez isolée. J’ai été comme aimanté, et je me suis approché. De près, elle n’était pas aussi belle que je l’avais cru de prime abord. Elle était même assez délabrée, et bardée de panneaux d’agence signalant sa vente. Quel dommage, ai-je pensé, elle mériterait d’être remise en état.
    L’intérieur était-il en ruine ? Il fallait que je rentre, c’était devenu impératif. A l’arrière une porte était mal fermée. Je me suis demandé depuis si …
    Je suis entré, et j’ai parcouru les pièces blanches de poussières et de toiles d’araignées. Je suis monté à l’étage, j’ai vu les trois chambres, le grenier.. Il y avait beaucoup à faire c’était certain, mais cela n’avait aucune importance.
    Pour presque la première fois de ma vie, je me sentais bien, avec le sentiment d’être là où je devais être. Puis, très vite, des images sont venues, se superposant à la réalité, mon imagination courant librement. J’imaginais des gens, une famille, en vêtements des années 1900, dans un décor fait de bibelots, de cuivres, de tableaux , illuminé par le soleil entrant par les fenêtres débarrassées de leur couche de crasse. Il y avait des enfants qui jouaient, et une jeune fille radieuse. Tout paraissait si réel … J’ai dû m’arracher à ma rêverie pour sortir, avec l’impression de laisser mon cœur derrière moi. Au dehors, même le soleil du mois d’août paraissait terne, il fallait que je retourne prendre mon train. Dans la maison la plus proche, ou plutôt dans son jardin, une femme allongée dans un transat m’a fait un sourire. Elle avait dû me voir entrer, et sa mine était espiègle.
    – La maison du bout du monde vous plait ?
    – Du bout du monde ?
    – On l’appelle comme cela à cause de son emplacement.
    – Elle a dû être belle ?
    – Sûrement, mais elle est abandonnée depuis si longtemps.. C’était la maison d’une famille respectée et aimée au début du siècle, et puis la grande guerre est passée ; le fiancé de la fille aînée a été tué dans les tranchées, et elle n’avait plus la volonté de résister à la grippe qui a suivi. Ce qui restait de famille s’est dispersé, et la maison est passée de mains en mains depuis tout ce temps, jusqu’à être vide maintenant. Entrez un moment, je vais vous montrer de vieilles photos, je suis une cousine éloignée de cette famille..

    J’ai acheté comme j’ai pu la maison, à un propriétaire trop heureux de s’en débarrasser, et avec mes maigres économies, j’ai fait quelques travaux de remise en état, le strict minimum, le reste je le fais moi même.
    Ca ne fait rien. Les visions gagnent en intensité de jour en jour, prennent de l’épaisseur, de la consistance. Hier la jeune fille m’a souri, et dans le miroir qui était suspendu au mur de cet autre monde, j’ai vu le reflet d’un homme qui me ressemblait.
    Je suis revenu chez moi, et bientôt je serai avec les miens.

     

    ……….

     

    – Entrez un moment, je vais vous montrer de vieilles photos, je suis une cousine éloignée de cette famille.
    J’ai regardé l’album jauni, ou plutôt je l’ai dévoré. Tous semblaient si heureux, et la maison était si belle. J’étais si absorbé que j’ai sursauté en entendant le bonjour énergique d’une jeune femme, la fille de mon hôtesse. Toutes deux se sont amusées de mon ébahissement en voyant une des photos prendre vie, car elle ressemble trait pour trait à sa lointaine parente, morte si tristement.

     Nous avons acheté ensemble la maison, avec le peu que nous avions, et notre habitat ressemble plus à du camping qu’autre chose, mais ça nous est égal, nous avons le temps, et nous sommes heureux.
    Je ne lui ai pas parlé des visions du premier jour, et celles-ci ne sont pas revenues. Pourtant je n’oublierai jamais le sourire que me fit cette lointaine parente de mon épouse, et mon reflet près d’elle dans un miroir qui n’existait que dans ce monde lointain.
    Nous sommes rentrés chez nous.


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    Le vent léger ride à peine l'eau de la rivière, tout est redevenu calme, sans un souffle, pesant et menaçant. L'ombre derrière le rocher grandit, s'épaissit, se redresse. Avec avidité elle observe les amants guettant le moment propice où elle pourra bondir.
    Eux sont encore inconscient de cet ennemi qui s'approche sans bruit, tout à leur amour, ne savent pas qu'ils sont les proies désignées de cette ombre enragée.
    La jalousie.
     La folie s'est levée. Elle erre, pieds nus, les cheveux défaits, l'esprit accablé, incapable d'une pensée cohérente. Seule l'image de l'amour perdu l'obsède, et ses mains tremblantes cherche un vêtement pour sortir, sortir dans la nuit froide et claire et chercher.
    Chercher jusqu'à ce que ses forces l'abandonnent, ou que sa raison ne la fuit, ne laissant que son enveloppe de chair immortelle.
    Ses pas égarés la mène devant le creux de rocher. La fontaine coule sans bruit, trait d'argent dans la verdure, et là, tout près, un corps allongé, reposant calmement capte son regard. Le double de sa compagne n'est pas sorti de son sommeil à la fuite de l'amour.
    La folie est lasse, épuisée d’avoir tant couru et pleuré.
    Le soleil se lève lentement sur le marais, noyé de la brume qui monte en vapeur du sol détrempé. Pour un bref instant, les arbres, l’eau, tout paraît bleu, et dans cette douce couleur, un éclair blanc est apparu le temps d’un soupir. La folie a cru voir un destrier, et abandonnant l’amant à sa couche végétale, elle à suivi l’animal, espérant qu’il la mènerait à l’amour perdu. Elle s’engage sous la frondaison, et là, un monde étrange s’offre à elle. Tout y est silence, le soleil ne le perce qu’à peine et ses chemins sont tortueux. Elle marche, droit devant elle, espérant retrouver sa compagne, sous les yeux de ceux qui sont cachés, et qui l’observent avec avidité.
    L'envie la regardait, dissimulée derrière les troncs humides, dégoulinants de la chair végétale décomposée, elle fixait la folie de son regard âpre. Qu'allait elle pouvoir lui arracher, et comment lui instiller son poison?

     

    tadema6.jpg

     

     

    (tableau par sir Lawrence Alma Tadema


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  • Attention,

    texte de nature érotique, pour lecteur  adulte

     

    Jamais Roland n'avait connu plus belle femme   ... CLIC

     

     

    godward12.jpg

     

    (Tableau par John William Godward le miroir )

     


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  • Bonjour à vous,

    voici un premier tableau dans cette galerie amoureuse

     

     

    tillier1

     

    Celui-ci est de Paul Prosper Tillier,

    peintre français né à Boupere en 1834 et mort à Paris en octobre 1915

    Artiste peu connu maintenant, il fut célèbre en son temps, participant au salon de 1863

     


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    La coupe d’or du philtre mortel emplie

    Des deux ennemis a scellé le destin                                                            bunce4.jpg

    En le navire royal, une captive et son geôlier

    S’affrontent

    D’une joute sans vainqueurs

    De tout temps écrite.

    La blonde prisonnière

    Et le chevalier au regard pâle

    Ont bu le liquide suave

    Et dans leur sang coule le poison

    Qui brûle leurs cœurs et leurs âmes.

    Le vent salin fait flotter les cheveux

    De la femme altière,

    Crinière de lin dénouée

    Caressant le visage fermé

    De l’homme qui se penche

    Vers celle que son roi attend

    Une mort prochaine leur fait

    Oublier la trahison

    Un baiser est donné

    Et la mer emporte un nom murmuré

    Tristan

     

     

    Hauteclaire

     

     

      Pour le jeudi en poésie des croqueurs de mots

    ce premier poème de ce nouveau blog

     

     

     

     

     

     

     

     

    (tableau Kate E.Bunce)


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