• La cour d'amour (2)

     

    Mon doux sire,

    Depuis ce funeste jour à la cour du roi mon oncle, où je vous vis devant moi, auréolé des victoires et des honneurs que de haute lutte vous avez conquis, altier et pourtant généreux, je sens ma vie qui s’échappe, jour après jour, goutte après goutte, dans l’attente que vous avez fait naître en moi.

    A peine aviez vous posé les yeux sur ma personne que mon esprit ne m’appartenait plus, et que tremblante devant vous, je n’osais même vous regarder de peur de trahir une fureur si soudaine qu’elle ne pouvait que vous apparaître comme bien hardie et indigne de ma famille.

    Je me navre en attendant un signe de vous.

    Mes lèvres ne savent plus chanter, mes mains ne savent plus tisser, et l’ouvrage patiemment commencé se dessèche en son cadre.
    Nul ne peut savoir en ma demeure ce que j’endure et malgré la douce présence de ma mère, je ne puis me résoudre à avouer ce que furent ces semaines de solitude et de chagrin.

    Y aurait-il encore un espoir sur cette terre ?
    Votre lettre l’a fait renaître, alors que je n’espérais plus rien, et si vos mots ne sont pas ceux du mensonge, alors recevez mon amour comme j’attends le vôtre.

    Mon cœur vous appartient.

     

    Ma damoiselle, ma dame d’amour, ma mie,

    Votre missive m’a atteint en plein cœur, dans cette geôle qu’était devenue ma demeure, mon château, ranimant mon ardeur, mon courage, ma vie même.

    Je n’osais penser qu’un tel bonheur fut encore possible pour moi, malheureux, indigne d’un seul de vos sourires et voilà que vous faites naître en moi un espoir qui me submerge et manque d’emporter ma raison.

    Quoi, vous avez craint de m’apparaître trop hardie, quand votre front restait lisse et blanc tel un diamant de l’eau la plus pure.

    Que n’ai-je su alors le tourment qui vous assaillait, faisant réponse au mien, et quelle n’aurait pas été ma joie de m’agenouiller devant vous pour vous avouer ma propre folie, ma douleur naissante et vous offrir mon cœur afin que vous puissiez en disposer à votre gré.

    En lisant ces mots écrits de votre main, je vous imagine saisissant la plume, laissant couler l’encre sur le parchemin pour tracer les paroles qui font de moi un homme nouveau. Votre amour a fait disparaître celui que j’étais, et trempé aux flammes de vos aveux si doux, j’émerge pour vous, vêtu de l’armure du métal le plus pur, armé de l’épée la plus droite, afin que vous disposiez de ce bras, de ce cœur, de cette vie, qui désormais sont vôtres, pour vous servir, ma mie, vous chérir et vous protéger.

    Mon amour pour vous m’est bien plus précieux que ma vie.

     

    burne30.jpg

     

    ( tableau par sir E. Burne Jones )

     

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 19 Juillet 2010 à 20:37
    fransua

    quelle époque, ces échanges épistolaires et romantiques......................où on pouvait mourir par amour et j'ai longtemps rêver à tout cela (peut être ai je vécu en ctte époqu car elle mes fascine)

    Bises

    2
    MCM
    Lundi 19 Juillet 2010 à 23:17
    MCM

    Une très belle histoire d'amour que tu viens de nous raconter, les gens en ce temps là étaient très pudiques.

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    3
    Dimanche 25 Juillet 2010 à 16:44
    Angeljanvier

    Je suis séduite par toute la symbolique des tournures enflammées de 

    l' époque...

    Si on recevait aujourd' hui, une telle missive, on ne pourrait que sourire mais se réjouir...

    J' aime beaucoup la représentation du tableau en harmonie avec le texte.

    Amitiés

    4
    jill bill
    Jeudi 5 Juillet 2012 à 03:50
    jill bill

    Bonjour Hauteclaire, ils  pourront enfin s'aimer...d'un amour si beau et si fort comme on en fait plus peut-être... Autres temps autres moeurs... Et bien jolie plume au plaisir de te lire dans une autre histoire de ta composition... Plein de bisous à toi, bon mardi, et du courage beaucoup de courage à la maison... Mes pensées amicales pour ceci aussi...

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